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Cette œuvre n’est pas un tableau, elle est un vortex, un gouffre béant qui invite à la dérive des sens et de la raison.
This work is not a painting; it is a vortex, a gaping abyss that invites the drift of senses and reason.

Le Passage Laïna Hadengue

Analyse d'une oeuvre de Laïna Hadengue par Christopher McAndrew Critique d'Art, Ecrivain.

Art Mundi: Paris du 15 OCT au 30 NOV 2024.

Art Palace: Prague du 12 NOV au 28 février 2025

"LE PASSAGE "

Huile sur toile 190 x 160 cm / 74,80 x 62,99 inches

Dans l’oeuvre Le Passage de Laïna Hadengue, nous sommes happés dès les premières secondes, irrésistiblement entraînés vers ce seuil, cet entre-deux ambigu, où l’abstrait et le figuratif s’embrassent dans une danse déconcertante. Une symphonie visuelle se déploie sous nos yeux, où les lignes froides du cosmos et les formes organiques de l’existence humaine se répondent. Mais réduire cette toile à une simple composition de formes et de couleurs serait une offense à son essence. Cette oeuvre n’est pas un tableau, elle est un vortex, un gouffre béant qui invite à la dérive des sens et de la raison. 

Contemplez ces deux silhouettes féminines, gardiennes silencieuses, placides et majestueuses. Sont-elles des Cerbères modernes, ou les muses bienveillantes qui nous entraînent dans un tourbillon de perspectives infinies.

 

Là, au coeur de cette porte centrale, l’éternité semble vaciller, incertaine, à portée de main. Le serpent enroulé autour du bras de l’une d’elles n’est pas simplement un symbole : c’est la clé de ce mystère éternel, de cette lutte perpétuelle entre le mouvement et l’immobilité, le rêve et la réalité. Tout n’est que transformation, oscillation, entre l’être et le devenir. 

Mais ce n’est pas tout. Là où l’on attendait le calme, surgit une montre qui ne compte plus le temps mais l’illusion du temps lui-même. Car enfin, est-il linéaire, ce temps ? Ou sommes-nous coincés dans un cercle éternel, sans échappatoire, où chaque instant est à la fois une fin et un commencement ? Le platonisme explose : l’éternité n’embrasse pas la temporalité, elle la renie, la pulvérise. C’est un jeu cruel, un dialogue insolent entre le permanent et l’éphémère. 

Tel un personnage de La reproduction interdite de Magritte, cette deuxième femme qui nous tourne le dos n’est-elle pas la représentation ultime de notre propre ignorance ? Suspendue, presque figée, elle dédaigne notre regard. Elle danse, mais c’est une danse du silence, une invitation à la pure idée. Ce dos tourné est un mépris pour nos certitudes, une moquerie de notre vision étriquée du monde. 

Incontournable, la figure en lévitation cristallise toute l’essence de l’oeuvre. Dans son immobilité méditative, elle ne nous guide pas, elle nous défie. La Grâce ? Peut-être. Mais cette grâce est ambiguë, dérangeante. Adossée à une structure géodésique qui semble convoquer Buckminster Fuller et Vasarely dans un complot cosmique, elle nous murmure une vérité implacable : l’esprit humain n’est qu’un minuscule noeud dans la vaste trame de l’univers. Ce diadème de connaissance posé sur sa tête est bien plus qu’un accessoire, c’est un piège, une couronne d’épines dissimulée derrière les promesses de l’infini. 

Innombrables, les points multicolores qui parsèment l’arrière-plan ne sont pas de simples touches de couleur. Ce sont des fragments d’univers, des mondes en devenir, prêts à éclater ou à s’effondrer dans un chaos magistral. Ils rappellent les maîtres pointillistes, certes, mais ici, Seurat et Signac se taisent. Le chaos règne en maître, chaque fragment trouve sa place dans ce désordre organisé qui nous dépasse et nous engloutit. 

Les tons pastel s'affrontent, non pour apaiser, mais pour engendrer une tension sourde, presque insoutenable, entre ce que l’oeil capte et ce que l’esprit tente d’appréhender. Les cercles colorés, tels des astres en apesanteur, flottent dans un espace sans repères, dépourvu de ciel et de terre, suspendus à la lisière de l’abstraction et de la perception, là où l’imaginaire flirte dangereusement avec le réel. Ils narguent la perspective, bousculent notre logique, se moquent  de nos certitudes comme des illusions qui s’effritent à mesure que l’on cherche à les cerner. Alors, où sommes-nous ? Sommes-nous de simples éclats d'errance, flottant dans l’immensité indifférente d’un océan cosmique, abandonnés à l'infini, ou bien sommes-nous, contre toute logique, les architectes déments de nos propres illusions ? L’oeuvre ne cherche pas une réponse, elle nous tend un piège. Elle nous entraîne, inexorablement, à nous perdre à jamais dans cette quête sans issue, où chaque pas nous éloigne davantage de la vérité. 

Le Passage n’est pas un tableau, c’est un miroir sans concession, un abîme où se reflètent, fragmentées et insaisissables, la complexité de notre être et l’élan fulgurant de nos métamorphoses. Cette beauté fuyante, toujours à portée mais jamais saisissable, nous échappe, comme une ombre dans la lumière. Laïna Hadengue ne nous livre pas une simple vision, elle nous tend une énigme vertigineuse, une provocation à l’égard de nos certitudes vacillantes. Cette oeuvre ne se contemple pas, elle transgresse, elle trouble, elle déstabilise. C’est un passage, oui, mais un passage vers la perdition de nous-mêmes, une plongée irrémédiable dans l’infini vertigineux de nos propres abîmes. 

In The Passage by Laïna Hadengue, we are drawn in from the very first seconds, irresistibly pulled toward this threshold, this ambiguous in-between, where abstraction and figuration merge in a disconcerting dance. A visual symphony unfolds before our eyes, where the cold lines of the cosmos and the organic forms of human existence converse. But to reduce this canvas to a mere composition of shapes and colors would offend its essence. This piece is not simply a painting; it is a vortex, a gaping chasm inviting the drift of the senses and reason alike. 

 

Behold these two feminine figures—silent, placid, and majestic guardians. Are they modern Cerberuses, or benevolent muses guiding us into a whirlwind of infinite perspectives? There, at the heart of this central doorway, eternity seems to waver, uncertain yet within reach. The serpent coiled around one of their arms is not merely a symbol: it is the key to this eternal mystery, this perpetual struggle between movement and stillness, dream and reality. Everything is transformation, oscillation, between being and becoming.

 

But there’s more. Where we expected calm, a watch emerges, counting not time, but the illusion of time itself. After all, is time truly linear? Or are we trapped in an eternal circle, with no escape, where each moment is both an end and a beginning? Platonism implodes: eternity does not embrace temporality; it denies it, pulverizes it. It’s a cruel game, an insolent dialogue between the permanent and the ephemeral.

 

Like a figure from Magritte's Not to Be Reproduced, the second woman, who turns her back on us, is perhaps the ultimate embodiment of our own ignorance. Suspended, almost frozen, she scorns our gaze. She dances, but it is a dance of silence, an invitation to the pure idea. Her turned back is a rejection of our certainties, a mockery of our narrow vision of the world. Unmissable, the levitating figure crystallizes the essence of the work. In her meditative stillness, she does not guide us—she challenges us. Grace? Perhaps. But this grace is ambiguous, unsettling.

 

Leaning against a geodesic structure that seems to summon Buckminster Fuller and Vasarely in a cosmic conspiracy, she whispers an unyielding truth: the human mind is but a tiny knot in the vast weave of the universe. The diadem of knowledge on her head is more than an accessory; it is a trap, a crown of thorns hidden behind the promises of infinity. Countless multicolored dots spread across the background are not mere specks of color. They are fragments of universes, worlds in becoming, ready to explode or collapse in a masterful chaos. They evoke the pointillist masters, certainly, but here Seurat and Signac fall silent. Chaos reigns supreme; each fragment finds its place in this organized disorder that overwhelms and engulfs us.

 

The pastel tones clash, not to soothe, but to create a muted, almost unbearable tension between what the eye captures and what the mind tries to grasp. The colored circles, like weightless stars, float in a space without bearings, devoid of sky or earth, suspended on the edge of abstraction and perception, where imagination dangerously flirts with reality. They defy perspective, disrupt our logic, and mock our certainties like illusions crumbling as we try to grasp them.

 

So, where are we? Are we mere fragments of errancy, drifting in the indifferent immensity of a cosmic ocean, abandoned to infinity, or are we, against all logic, the deranged architects of our own illusions? This work does not seek an answer; it sets a trap for us. It inexorably draws us in, leading us to lose ourselves forever in this unresolvable quest, where each step takes us further from the truth. The Passage is not a painting; it is an uncompromising mirror, an abyss reflecting the fragmented and elusive complexities of our being and the fiery momentum of our transformations.

 

This elusive beauty, always within reach but never graspable, escapes us like a shadow in the light. Laïna Hadengue does not present us with a mere vision; she offers us a dizzying enigma, a provocation to our faltering certainties. This work is not to be contemplated; it transgresses, unsettles, and destabilizes. It is a passage, yes, but a passage into the loss of ourselves, an inescapable plunge into the vertiginous infinity of our own depths.

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